mardi 16 octobre 2012

Vendredi 12/10/2012

Ma femme a pris sa journée pour m’accompagner. Sa présence me soulage, me rassure. L’ancienne nounou des garçons, si gentiment disponible, viendra à la maison à 6h40, lèvera les enfants, leur donnera à déjeuner et les emmènera à l’école. Je pars le cœur lourd, l’esprit blindé mais l’estomac vide…  On m’avait demandé d’arriver à 7h30, d’être à l’heure, car j’étais une urgence et que j’allais foutre le bordel dans le planning de la journée… J’y peux rien moi si je suis invité en guest…

Le premier accueil est glacial. Ce sera le seul de la journée. Peut être que cette veilleuse avait trop veillé. L’infirmière, qui m’avait téléphoné, la veille arrive à 7h20. Elle demande, pas convaincue, si le patient à prendre en urgence est arrivé. La veilleuse (qui n’en est peut être pas une d’ailleurs) lui répond que, « Si, il est là ». Ravie, l’infirmière m’accueille d’un large sourire, aussi larges que les rangées de tubes à essais qui jalonnent son plateau. Je suis persuadé que tout ça ne sera pas que pour moi ; dans la vie, faut partager m’a-t-on appris, j’en laisserais bien volontiers aux autres. Elle m’installe, m’explique qu’elle va faire tout un tas de prélèvements à jeun. Elle me pose un cathéter, pas besoin de me repiquer à chaque fois : grand luxe. Au bout de 10 tubes, le niveau de mon sang baisse mais celui de mon stress monte. Un coup de pas bien. Je lui dis. Elle me dit de me détendre, me fait rire en me suppliant de ne pas tomber dans les pommes car à cette heure, elle est toute seule, qu’elle est petite et frêle…et que moi, je suis grand et costaud (j’aurais préféré le terme « musclé » mais bon, faut pas contredire Draculita en pleine action).

A 8h, je change d’étage, direction le service d’ophtalmologie. Pourquoi ? La tumeur est située près du nerf optique. Si elle appuie dessus ou le comprime, je peux perdre l’usage de toute ou partie de la vue. Premier examen : le champ visuel.  Je connais le principe : la tête dans une demie sphère, armé d’un joystick, je dois cliquer chaque fois que je vois une étoile filante… Ca va au début, mais on en voit vite partout…ou plus du tout. Résultats plutôt corrects : une légère amputation sur le dessus et le côté haut. L’ophtalmo me rassure. Dans ce genre de pathologie, on peut s’attendre à bien pire. Ensuite, on me prend la tension occulaire : parfaite. Je passe un scanner du nerf optique : il est bon aussi. Retour en salle d’attente avec un fou rire devant deux mamies, l’une ayant amené l’autre en voiture et racontant combien elle était stressée dans les bouchons du grand boulevard… Ca ne paraît pas drôle comme ça mais ça l’était, si, si, je vous assure… Vient le tour du tant redouté fond d’œil. Et là, bonne surprise, ce n’est plus aussi barbare qu’avant où on avait l’impression de se faire gober l’œil (Molo les gars, on n’est pas à Kho Lanta). Tout est nickel. Bilan ophtalmo : plutôt bon, la tumeur n’appuie qu’un peu sur le nerf optique.

Je remonte au service endocrino. Une jeune et jolie infirmière m’explique le protocole pour les 2h à venir. Mesure de mes hormones et de la glycémie à T0. Puis, on me fait avaler la potion magique du grand Endocrinologix (J’aime les boissons sucrées mais là, y’a de l’abus…Vous avez pensé à ma ligne de rêve ?) S’en suit des prélèvements chaque demie heure. Entre temps, l’interne (que l’on saura , par la suite, avoir été briefé par l’endocrino ) vient me voir et me réexplique tout de A à Z : symptômes, effets, traitements, opération… Un assistant l’assiste (appréciez le jeu de mots subtil) : je suis son premier « accroméga » : il prend des notes. Je lui demande s’il veut une photo pour sa thèse ! On me palpe le foie : il est un peu gros, c’est normal. L’électrocardiogramme révèle que le cœur n’est pas  comprimé : tout va bien de ce côté-là… Je quitte le service à 12h30, non sans croiser une dame de mon village. La nouvelle va peut être vite se répandre. Je prends alors la décision de ne rien cacher, à personne.

On repasse au bureau des entrées : wow, une matinée pareille, ça va coûter un bras à la sécu…  Moi, c’est la tête qui me coûte. On me prévient que l’endocrino veut me voir à 19h ce soir. On va rester sur Reims, la nounou accepte de reprendre les garçons après l’école. Elle est invitée le soir et dira qu’elle vient avec mes enfants ou pas du tout. Elle est formidable, comme l’a été toute cette équipe de soignants du CHU.

Il est 13h, on décide de se faire un p’tit resto. On y accuse le coup. Mes pensées  vagabondent  au gré des saveurs de ma pizza : tantôt salées, tantôt (aigre)-douces…  Je sens une bonne migraine monter. Le contrecoup sans doute. On sort du resto. Je reste allongé deux heures à végéter dans la voiture de ma femme : une C1 : on fait pas mieux pour allonger un mec d’1m88… Quelques boutiques et 19h arrive enfin. L’endocrino a du retard, on passera à 19h45. Maintenant que le diagnostique est sûr et selon les premiers résultats du matin, il peut m’expliquer le traitement. Ce sera une piqure chaque mois d’antihormones de croissance. Ma prolactine est normale, ouf. On m’avait d’ailleurs pressé le téton le matin-même pour voir si du lait en sortait. Suis pas une vache donc non, pas de lait. Revenons au traitement : les piqûres ont pour but de diminuer la tumeur de moitié. Ce serait l’idéal. Après les six mois, il faudra envisager… l’opération. Ce que je craignais mais ce que je savais aussi.  Six mois, c’est mieux que les deux ou trois dont m’avait parlé l’interne ce matin. « Il est jeune » dira l’endocrino en parlant de la précipitation de son confrère…  Le Père Noël passera sans tuyaux dans le pif : petite consolation… Six mois, ça tombera en avril. Ca me laissera du temps après pour retrouver ma jeunesse visageale (ce mot est mien ,oui oui) et ma déconcertante beauté ( comme dirait mon Coupain… Oh,  il faudra que je vous parle de… Lui) avant que (l’ombre) Mylène ne me fasse coucou en septembre.

On repart, rassurés autant que faire ce peut, épuisés autant que faire ce peut aussi.  Ma femme, toujours là, comme il faut, quand il faut, me dépose à la maison avant d’aller rechercher les garçons. J’en profite pour appeler mes parents. Ils sont au courant de tout depuis mercredi mais là, ils semblent se prendre une grande claque. Je les rassure enfin, j’essaie… Les garçons rentrent, briefés sur ce que j’ai, avec des mots d’enfant, par ma femme, dans la voiture. Il faudra réexpliquer. Le plus grand montre des signes d’anxiété. On leur offre un petit cadeau. Ils sont contents et donc moi aussi. Je me couche tôt, je fais confiance au somnifère, mon nouveau pote pour la nuit.

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